La Dame de Canton : qu’est-ce que la co réalisation ?
Depuis combien de temps la dame de Canton existe t-elle ?
La Dame de Canton a été construite à Canton dans les années 70 et s’est amarrée à Paris en 1995. Au début, elle s’est fait connaître sous le nom de la « Guinguette Pirate ». C’est un bateau qui a navigué avec une équipe de marins à son bord. Cette jonque faisait halte dans les grands ports des grands continents, elle a une histoire romanesque. L’équipe de marins faisait des reportages et vendait les clichés réalisés en mer. Quand le bateau est arrivé à Paris, le quai était encore en friche, c’est l’époque où a été tourné le film « Les nuits fauves », c’est dire l’ambiance. La Dame de Canton a été le 1er bateau sur le quai de la Gare avec un projet culturel, et une programmation de concerts alternatifs qui a donné le "LA" avec la volonté de créer de l'animation culturelle.
Tu es arrivée à quelle étape de la Dame de Canton ?
Je suis arrivée en 2011 au moment où la première équipe est partie sur le projet Batofar. Là, j'ai rejoint la Dame de Canton afin de poursuivre le développement culturel et particulièrement la recherche de jeunes talents. Au fil des ans, avec Philippe Holvoët, Président, on a développé d'autres formes artistiques dans le domaine du spectacle vivant tels que le slam, le burlesque, le stand up et même la diffusion de court métrage.
L’activité artistique est vraiment l’ADN du lieu, avec sans cesse de nouveaux projets. Un des principaux points forts de la Dame de Canton est la qualité d’accueil qui permet de créer du lien entre le public, l’équipe et les artistes. On est dans les échanges humains et c’est un véritable métier « passion ». C’est un endroit atypique, une authentique jonque chinoise, et son équipe de matelots tient bon la barre. On a tellement de défis à relever qu’on ne s’ennuie jamais. Je n’ai pas vu le temps passer.
Vous recevez tous types de groupes. Qu’est-ce qui pousse, de manière générale, un choix de programmation sur un lieu très demandé ?
Nous voulions jouer la carte éclectique, tout d’abord parce qu’on a des goûts éclectiques et qu’on souhaitait aussi sortir du cadre et faire découvrir au public des genres différents, des fusions aussi. Ça nous a permis de cibler différentes tranches d’âges, et toucher un public autre, ce qui nous semblait important. Il y a de bons projets dans tous les genres musicaux, le choix du projet artistique est important, mais pas que.
Il y a aussi tout un tas de critères à prendre en compte dans la sélection des groupes, comme leur expérience, mais aussi la manière dont le groupe va communiquer et comment il est suivi par son réseau. Engager une date, proposer un concert de qualité, c’est aussi avoir du public pour l’apprécier. On sait que ce n'est pas toujours facile sur Paris. C'est la raison pour laquelle on programme au moins deux groupes par soir qui partagent la scène pour attirer davantage de gens. On tient compte aussi, de l’aspect géographique des groupes, s'ils sont locaux ou non. Bien évidemment si les groupes sont de Paris, il est plus facile de faire venir les gens au concert. On programme tout de même des artistes qui viennent de province, c'est important pour nous de leur donner aussi une chance de jouer sur Paris. On a également de temps en temps des groupes en tournée internationale qu'on reçoit et qui ont une bonne « fanbase » la plupart du temps. Enfin, les conditions de la salle jouent pour beaucoup dans la conclusion ou pas d’une date, avec notamment la jauge (chez nous entre 100 et 140 personnes), et bien sûr les accords sur le contrat, notamment de co-réalisation.
Vous fonctionnez justement sur un format de co réalisation. Qu'est ce que ça signifie concrètement ?
La co-réalisation est un contrat engagé sur un partage de recettes, un pourcentage sur la billetterie, entre la salle et les artistes. Le partage des recettes, la plupart du temps un 50%/50%, est discuté en fonction de différents critères.
Il y a souvent une confusion avec les contrats de co production. En ce qui nous concerne on n'est pas co-producteur, ça implique d’être en possession de la licence 2 et notre salle fonctionne donc en coréalisation, avec la mise à disposition d’un technicien son, la prise en charge des « catering » (repas offert pour les artistes) avec des tickets boissons. On met en vente l’événement sur plusieurs plateformes de sites de billetterie, et Billetweb est notre partenaire principal.
Ce format est de plus en plus répandu dans les lieux entre les salles et les producteurs. Entre le moment où tu vas sélectionner le groupe et une date, quelles sont les étapes nécessaires à la création de l'événement ?
Une fois le co-plateau identifié et la date optionnée dans l’agenda, j’envoie le détail des conditions de la salle, en indiquant la part revenant à chacun sur la recette de billetterie.
Ensuite un mail de confirmation de date avec une fiche à compléter concernant les éléments administratifs et artistiques, est envoyé, qui nous permettra d’éditer le contrat. On ne fait qu’un seul contrat pour la soirée pour les co-plateaux ou triple-plateaux parfois. À partir de là, je leur demande leurs fiches techniques et les éléments de communication qui seront publiés sur notre site internet, les réseaux sociaux, et dans une newsletter bi mensuelle envoyée à nos abonnés.
Tous les événements que vous organisez sont sous ce format là ?
On a majoritairement ce format-là, mais il nous arrive de faire de la location de concerts pour d’autres types de projets ou bien avec des personnes qui souhaitent être organisateurs de leur événement. On a aussi fait par le passé du contrat de cession, mais c’est aujourd’hui plus exceptionnel. Le lieu propose aussi des formats « événementiel », c’est ce qui nous permet d’assurer une partie de notre économie.
Ce format de contrat engage les salles autant que les artistes. Comment les deux parties doivent ou devraient s'organiser pour justement assurer la plus grande réussite de l'événement ?
À mon sens un axe reposant sur la qualité d’un projet avec une bonne stratégie de communication, actuellement via les réseaux sociaux. Sponsoriser certaines publications ciblées permet de contourner les algorythmes et obtenir davantage de vues et de réactions avec piqûre de rappel bien sûr tout au long de la période qui précède le jour J. Le réseau proche des groupes ne doit pas être négligé.
De notre côté en tant que salle de diffusion, on publie la prog et on booste au moins une publication par semaine annonçant les concerts. Tout cela contribue évidemment à la réussite de la soirée. Nous annonçons la programmation sur notre site internet et sur les billetteries à visibilité directe ou pas. En ce qui concerne Billetweb, on intègre le lien directement dans nos événements Facebook pour permettre aux artistes d’inviter leur réseau et d’avoir tout de même une visibilité sur le nombre de participants.
Une newsletter bi mensuelle est envoyée annonçant la prog sur la quinzaine. On travaille aussi avec une plateforme, qui référence nos événements sur une vingtaine d’agendas culturels parisiens. Également, nous transmettons une sélection de concerts à la mairie du 13ᵉ arrondissement, qui communique sur sa newsletter. On imprime une affiche papier placardée sur le quai ou les gens peuvent s’informer avec un QR code qui redirige sur la page « concerts » de notre site.
Trouves-tu que les artistes arrivent parfois à attirer un public qui n'est pas forcément le leur ?
Oui bien sûr, ça arrive mais c’est important pour le public de connaître le genre musical des groupes pour avoir une idée du type d’ambiance. C’est la raison pour laquelle on l’indique clairement sur tous nos supports de communication. Quand on ne connait pas les noms des groupes qui jouent, ça peut donner envie de découvrir un concert, mais ça reste quand même un faible pourcentage pour des groupes assez peu connus. Une partie du public vient aussi de la clientèle de la Dame de Canton, des personnes qui viennent manger, découvrent la programmation et demandent quel est le concert du soir ; C’est parfois juste pour l’ambiance mais ça compte énormément. Bien sûr, quand il s’agit d’artistes avec plus de notoriété, la donne change, les billets se vendent plus vite et plus tôt.
Et vous avez organisé près de 300 concerts avec Billetweb. Qu’est-ce qui, au départ, vous a convaincu ?
Le choix de Billetweb, c'est un choix en regard de la balance qualité / économie. La commission est moindre que sur d’autres sites de billetterie, mais c’est aussi la souplesse de la plateforme avec l'interaction en direct. Si on doit annuler un événement, on met le bouton en OFF, c'est facile, on stoppe les ventes, on modifie une information de présentation. Pour nous être acteur sur cette plateforme, c'est vachement important.
Quels conseils donnerais-tu à un nouveau producteur qui souhaite organiser un événement dans une salle comme la Dame de Canton ?
Tout d’abord je conseillerais de cibler une salle qui correspond à la capacité des spectateurs estimés en fonction des besoins de la scène et où elle est située. Mieux vaut faire un concert dans une salle de 100 personnes et refuser du monde que jouer dans une salle de 500 places avec au final un public de 100 personnes. Bien étudier le type de contrat en fonction de la salle et de ses conditions d’accueil en fonction de la notoriété des artistes. Ensuite bien mener sa stratégie de communication car la venue du public repose aussi là-dessus et impliquer tous les membres du groupe pour jouer le jeu.
Quand la demande vient des producteurs pour jouer dans notre salle, je regarde rapidement tous les mails dans ma boîte sans les ouvrir et puis quand je sens qu’un projet peut nous intéresser, je regarde la présentation des groupes, j’aime bien qu’elle n’e soit pas trop longue, et je trouve bien de mettre en avant des chroniques presse quand il y en a et surtout des liens vidéos avec les réseaux sociaux. Il y a toujours moyen de discuter plus ou moins le deal en fonction des artistes proposés bien évidemment. Il vaut mieux s’enquérir dès les 1ers échanges du type de contrat proposé par la salle, ça évite de perdre du temps et en effet beaucoup de salles proposent des contrats de coréalisation sur Paris. L'important, c'est de trouver un équilibre économique entre les deux parties. Pour un producteur c’est sur un ensemble de dates que sa structure arrivera à trouver une économie.