Les tendances de vente post COVID : un échange avec l’Aérogare
Entre-temps, nous avons également échangé concernant la salle de l’Aérogare et sur la billetterie. Un échange à retrouver ici.
2022 était une année particulière pour le secteur événementiel, entre pandémie et crises mondiales. La tendance d’achat du public a changé. Les gens achètent toujours leurs entrées en amont, ou plutôt au dernier moment ?
Anaïs : La prévente est toujours compliquée, il y en a beaucoup moins qu’avant. L’an dernier, les gens achetaient surtout sur place au cas où il y ait une annulation. Peut-être que les gens ont pris cette habitude là et évitent de prendre des risques.
J'imagine qu'il y a eu des changements quand vous avez réouvert après le COVID, dans la manière de proposer les concerts pour l'Aérogare, j'imagine aussi.
Julien : Disons qu’il faut un peu plus se battre et aller chercher le spectateur. Il y a beaucoup moins de préventes. Pour certaines dates, le matin, seulement une dizaine de place sont vendues. Pourtant le soir, nous sommes complets. On constate aussi deux typologies de public. On a des concerts où ne vend quasiment rien sur place, notamment pour les publics plus âgés. C’est le cas par exemple sur les concerts de post-rock, où on fait 170 à 180 entrées, dont 150 de prévente. Ce sont des publics un peu plus âgés qui ont ancré en eux des habitudes de prévente. On voit par contre qu'il n'y a pas beaucoup d'influence quand on met un bénéfice financier à prendre sa prévente, ce qui est paradoxal. Ça montre vraiment la difficulté de réintroduire le système de prévente.
J'ai l'impression que beaucoup de monde voit la prévente un peu comme un investissement.
Julien : Je pense que le premier problème concerne le pouvoir d'achat. Les concerts coûtent de plus en plus cher, y compris aux organisations, entre les coûts de déplacement des artistes et les frais qui sont liés à une salle et à un organisateur, dont la promotion.
Les prix des billets sont également parfois élevés. Avec le sandwich et la bière, c’est un vrai budget de sortie que les gens n'ont plus forcément.
Je pense que les solutions face au COVID et les choix qui ont été faits n’ont pas forcément été les bons. Il y a eu beaucoup de reports un peu précipités d'artistes, afin de générer du business, les dates étaient annoncées un peu trop rapidement, et ça a conduit à de nouveaux reports. Forcément, on crée une insécurité de la part de l'acheteur. Qui plus est, c’est reporté, mais toujours dans des conditions différentes, parfois assis, parfois debout, parfois en jauges réduites… Certaines salles ont du réduire leurs jauges alors qu’ils avaient déjà vendu leurs billets.
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Que penses-tu de la musique offerte de manière virtuelle, notamment pendant les confinements, et des conséquences sur le spectacle vivant ?
Julien : Tous les artistes faisaient de la musique chez eux et l’ont diffusée sur le web gratuitement. J'ai pas du tout adhéré à ce truc là parce que j'ai vu plein d'artistes assez connus essayer de faire des choses. J'ai vu des salles essayer. Encore une fois, il fallait bien vivre et proposer, c'est humain. Mais il y en a qui ont monté vraiment des studios dans leur salle, qui ont diffusé du podcasts, qui ont diffusé des webzines, qui ont diffusé du contenu très bien fait avec trois ou quatre caméras pour essayer de garder un lien musical. Mais le revers de cette médaille, c'est que ça a complètement dévalué la valeur concert et la valeur live. De plus, les gens ont maintenant des équipement qui leur permettent de savourer la musique à domicile : il y a moins de décalage avec la salle de concert.
Ça rejoint un peu la problématique des salles de cinéma qui sont confrontées à des gens qui ont Netflix, un écran de quatre mètres par trois et un home cinéma. À part le popcorn, qu'est ce qu'il y a de plus à leur vendre ? Qui décide d'aller mettre d'aller mettre quatorze euros dans une place de cinéma ? Pour moi, ça questionne beaucoup sur ce que nous on doit apporter aux gens.
Aujourd’hui, il faudrait donc apporter une valeur ajoutée au concert en lui-même ?
Julien : Je pense qu'il est effectivement important d'aller chercher de la valeur ajoutée. À l’Aérogare, on ne défend pas que la salle de concert, donc nous sommes relativement épargnés. Si on regarde techniquement la salle de concert, elle représente à peine 30 % de la surface globale. Et encore, je compte pas le parking. On veut proposer un lieu de vie et de rencontre, on a un restaurant, un espace extérieur, on a des soirées à thème, des choses comme ça. Le simple live ne suffit plus et dans le live, quand il est présent, il faut qu'on y additionne du numérique, du visuel. Il faut réfléchir à ce que la personne va manger et boire. Avant, il y avait un fossé entre la musique chez soi et le live. Le simple fait de mettre un artiste sur scène, ça suffisait. Maintenant, pour faire bouger les gens, il faut aller les chercher et proposer un ensemble qui crée un environnement.