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Festivals

2 festivals sur 3 perdent de l'argent en France : comprendre la crise silencieuse d'un secteur en mutation

01 décembre 2025
©Laura Galland
2 festivals sur 3 perdent de l'argent en France : comprendre la crise silencieuse d'un secteur en mutation
Rédacteur.trice
Mathilde
Chargée de communication
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On a souvent l’image du festival comme d’une parenthèse enchantée : des scènes monumentales, des artistes attendus depuis des mois, des foules immenses et une effervescence qui ne retombe pas. Derrière cette façade lumineuse, quelle est la réalité économique existante ? La dernière étude du Centre national de la musique est brutale : en 2024, 62 % des festivals en France ont été déficitaires. Pour la première fois, toutes les catégories sont touchées, des plus modestes aux plus imposants. Le secteur traverse un moment charnière. Les festivals s’adaptent et se réinventent. Comment en est-on arrivé là ? Comment continuer à organiser des événements sans sombrer dans un modèle intenable ?

Une économie sous tension qui ne tient plus l'équilibre


Depuis plusieurs années, plusieurs signaux d’alerte s’accumulent : les budgets de plus en plus serrés, avec les dépenses qui grimpent, des pressions financières croissantes.

La situation est paradoxale : les spectateurs sont au rendez-vous, les billets continuent de se vendre… mais ce n’est pourtant pas suffisant pour être à l’équilibre.

Les coûts augmentent plus vite que les revenus, et l’écart se creuse. Les festivals qui parviennent à se maintenir sont souvent ceux qui ont déjà atteint une taille critique, ou qui s’appuient sur un réseau solide de partenaires, de collectivités et de mécènes. Pour les autres, chaque édition devient chaque année de plus en plus compliquée à tenir.

Pourquoi les coûts explosent-ils ?


La première explication tient en un mot : inflation. Mais il ne s’agit pas uniquement de l’inflation générale, que l’on constate dans tous les secteurs. Dans l’événementiel, certains postes de dépenses ont connu des augmentations beaucoup plus fortes.

Les cachets artistiques en premier lieu. La montée rapide de nouvelles têtes d’affiche, la compétition entre festivals pour attirer les quelques artistes très demandés, l’internationalisation du marché… cela génère une tension énorme. Chaque événement veut sa tête d’affiche, son moment “wow”, qui garantira des ventes. Mais la course spectaculaire a la meilleure programmation a un coût : la dépense artistique représente désormais près de la moitié du budget d’un festival, et elle ne s’arrête plus de croître.

À cela s’ajoutent les frais techniques. Louer du matériel, assurer la sécurité, gérer la logistique, alimenter les installations en énergie, transporter les équipes : tout coûte davantage qu’il y a cinq ans. Les normes de sécurité sont plus strictes, l’expertise nécessaire plus élevée, le matériel plus cher à installer et à entretenir.

Les festivals doivent composer aussi avec une baisse progressive des aides publiques. Les subventions exceptionnelles post-Covid ont disparu, certaines collectivités ont revu leurs priorités, et l’action artistique et culturelle souffre de budgets resserrés. Là où les festivals pouvaient compter sur un soutien structurel, ils doivent désormais faire face à un financement plus instable.

Pourquoi les revenus ne suivent-ils pas ?


Face à la hausse des coûts, la question paraît simple : pourquoi les festivals n’augmentent-ils pas davantage leurs revenus ?

Les billets ont déjà augmenté. En dix ans, leur prix a grimpé d’environ 48 %, et l’année 2024 marque un tournant : pour la première fois, la hausse dépasse celle de l’inflation. Il existe cependant une limite psychologique et sociale à ce que le public peut accepter. Le pouvoir d’achat culturel est en recul, et les spectateurs arbitrent désormais plus durement leurs dépenses. Monter les prix encore risquerait de faire basculer une partie du public hors du circuit.

D’autant la France propose les festivals les moins chers d’Europe, car le secteur est historiquement sous subventions. Le public n’est pas prêt à des prix plus proches du “marché”.

La concurrence joue également un rôle majeur. Les festivals ne sont plus l’unique grand rendez-vous musical de l’été : concerts en stades, tournées premium, événements immersifs, productions digitales, festivals urbains… la multiplication de l’offre réduit naturellement la capacité de chaque festival à attirer un public large.

Dans certaines régions, plusieurs festivals se battent pour le même bassin de spectateurs, avec les mêmes dates et parfois même les mêmes artistes. Cette dispersion affaiblit mécaniquement la rentabilité globale.

Enfin, le sponsoring n’est plus aussi dynamique qu’avant. Les marques privilégient les très grands événements qui garantissent visibilité et volume. Les petites et moyennes structures peinent à séduire des partenaires, surtout si leurs perspectives financières manquent de stabilité.

Un secteur en transformation profonde


Face à ces tensions, le paysage festivalier se réorganise à grande vitesse. On observe d’abord la montée en puissance des festivals spécialisés. Des événements thématiques, avec une identité forte émergent un peu partout. Ils se distinguent de l’offre généraliste, proposent une communauté plus engagée et attirent des sponsors plus alignés. C’est une réponse naturelle à la saturation du marché : se spécialiser pour exister.

Parallèlement, une logique de concentration s’installe. Plusieurs festivals passent progressivement d’un modèle associatif (historiquement très ancré dans le paysage français) à un modèle porté par des entreprises privées. Ce mouvement répond en partie à la crise économique actuelle : certaines structures commerciales peuvent absorber des pertes que des associations ne pourraient pas supporter. Des groupes rachètent, fusionnent, mutualisent. L’exemple récent du rachat de We Love Green en est l’illustration.

Cette consolidation permet de lisser les coûts, de sécuriser les investissements et de réduire les risques, mais elle pose aussi la question de la diversité culturelle et de la place laissée aux structures indépendantes.

Nous pouvons aussi évoquer une réalité plus triste : un nombre croissant de festivals mettent leur activité en pause ou disparaissent. Les organisations les plus fragiles n’ont plus la capacité d’absorber une édition déficitaire.

Comment continuer à organiser un festival en 2025 ?


Le secteur traverse une crise, mais aussi un moment de vérité. Les festivals ne disparaîtront pas : ils évolueront, comme ils l’ont toujours fait. Pour continuer à exister, plusieurs leviers semblent incontournables.

Il faudra d’abord renforcer la maîtrise économique : comprendre précisément ses marges, anticiper ses charges, mieux piloter sa trésorerie. Il faudra également travailler son identité, construire une relation forte avec son public, miser sur l’expérience plutôt que sur la surenchère artistique. Dans un marché saturé, raconter une histoire devient un avantage stratégique.

Les festivals devront aussi réfléchir à leur taille, à leur modèle, à leur positionnement. Grandir n’est plus la seule ambition possible : certains gagneront à se recentrer, à se spécialiser, à réduire la voilure pour mieux exister.

Et puis, bien sûr, il faudra continuer à innover : dans la gestion, dans l’accueil, dans la technique, dans les services. Chaque point de friction éliminé, chaque expérience fluide, chaque interaction positive renforce la fidélité du public et la résilience de l’événement.

La situation est complexe, mais l’envie du public est toujours là.

L’enjeu des prochaines années sera de transformer cette envie en un modèle viable, durable et authentique.

La fête n’est pas terminée, elle doit simplement réapprendre à s’organiser.

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