Rencontre avec l'équipe du Brin de Zinc
Comment est né le projet du Brin de Zinc ?
Thomas : J'ai repris en 2015 cette salle qui existait déjà et qui avait du potentiel en développement. À l’époque, il n'y avait pas encore de billetterie dématérialisée, facile d'accès. J'ai préféré imposer ce type de billetterie pour éviter de faire de l’impression. Ça fait des années qu’on a mis en place ce système et ça a encore plus de sens maintenant. Je ne souhaitais pas passer par de grosses plateformes et je voulais vraiment rester avec un seul interlocuteur.
On voit que le Brin de Zinc a une belle résonance sur le bassin chambérien autour, avec beaucoup de tournées qui passent par ici. Comment s'est développée cette reconnaissance ?
Thomas : C’est vrai qu’on a pas mal de gens Grenoble ou d’Annecy, notamment ce soir. La salle avait déjà une certaine reconnaissance quand je suis arrivé, j'ai pas tout fait non plus. On a surtout fait un vrai travail de fond pour sortir de l’image assez limitée au rock et au métal. On travaille maintenant avec beaucoup de producteurs qui ne voulaient à la base pas trop venir. On a calé une date, puis deux, puis trois… et avec le temps, beaucoup de tourneurs passent par le Brin de Zinc, parfois pour la seule date française de leur tournée.
Pour organiser des événements, quel est votre fonctionnement ?
Thomas : On a un fonctionnement en co-réalisation : on ne s’engage pas sur de l’argent, on prend les risques avec le groupe ou avec la prod. Grâce à ce système, on n'achète pas le spectacle et eux ne louent pas la salle. Dans les prestations proposées, tout est confort : nous mettons en place la billetterie, nous fournissons le repas et faisons de la communication.
Vous avez le statut de scène indépendante. Qu'est ce que ce statut signifie ?
Thomas : En France, les salles marchent pour la plupart avec des subventions. Une salle privée peut aussi faire de la location sèche. Ici, nous n’avons pas de fonds publics et on met à disposition des compétences pour que les prods aient tout sur place sans avoir à être là. En fait, on est sur un modèle anglo saxon, on fait ce qu'on appelle un “door deal” à l'étranger. Avec ce modèle, plus on fait d'activités, plus on a potentiellement de budget de fonctionnement. On doit être sur un équilibre, les plus grosses dates qui remplissent nous permettent de prendre des risques artistiques sur des découvertes ou des artistes de niche qui ne rempliront pas la salle.
Vous avez des concerts quasiment quasiment tous les jours et beaucoup de groupes souhaitent se produire au Brin de Zinc. Quand un programmateur reçoit autant de mails, qu’est ce qui fait qu'il va pencher vers un groupe plutôt qu’un autre ?
Thomas : Je reçois entre 80 et 100 mails par jour, donc je n’ai pas le temps de tout écouter. J'ai certaines adresses que je reconnais et je vais plus facilement traiter ces mails, quitte à malheureusement en laisser de côté.
La différence se fait sur un ensemble, c'est à dire un projet qui va me plaire à l’écoute, mais qui possède déjà du matériel exploitable. Sur les gros noms, c'est différent : on est principalement un relais. Mes coups de coeurs pour lesquels je me mouille sont souvent des projets qui n'existent pas encore en France. Mettre un coup de cœur, c'est s'engager quand on pense qu’il y a un potentiel de développement supérieur à d'autres. La prog que je faisais il y a sept ans n'est plus la même que maintenant. Probablement qu’elle sera différente dans trois ans.
Depuis le COVID, trouves-tu que la manière de programmer les groupes a changé ? Y a t-il toujours autant de demandes ?
Thomas : Beaucoup de groupes se retrouvent sans tourneur, des tourneurs sont obligés de prendre des risques ou de changer de fusil d'épaule, sachant que les salles subventionnées font moins de dates prennent moins de risques. Au début, tout le monde voulait jouer en même temps. Les français ont en plus un dossier intermittence à boucler, donc il fallait jouer, ce qui a créé un embouteillage. Là, je retrouve une visibilité à six mois comme avant.
Concernant les préventes, ces dernières années ont marqué une tendance, notamment avec la peur des reports et les prix qui augmentent. Quelle est ta position sur la question ?
Max, tourneur : les pays ne réagissent pas tous pareil. En Allemagne, il y avait beaucoup de préventes avant COVID. Les tournées ont été reportées plusieurs fois et certains publics se sont retrouvés avec plusieurs billets, parfois pour le même soir. Les annulations pouvaient impliquer un besoin de revendre, mais ils n’y arrivaient pas forcément.
Aujourd’hui, si on prend par exemple l’Espagne, on retrouve souvent un prix unique, la prévente n’attire plus vraiment. En France, je remarque que pour une salle de 200 personnes, une semaine avant on peut avoir vendu 30 entrées, 48 h avant, on monte à 80 et le matin de l’événement, à 120. Puis les ventes explosent quelques heures avant le début.
Thomas : Si on prend la date de ce soir, on est sur des prix à 15, 18 et 20€. Nous proposons trois tarifs dont le tarif abonné. Ça fait un écart significatif par rapport à la porte à 5 €. Et à quelques minutes de l’ouverture, il ne reste que dix places à vendre, donc on est quasi sûr de faire complet.
Les artistes et les équipes souhaitent tourner de la même manière qu’avant ?
Max : Les tourneurs veulent travailler comme avant. Le problème, c'est qu'on fait face à des promoteurs extérieurs, des gens sont là juste pour organiser le concert. Ils sont un peu plus frileux avec le COVID et récemment avec l'augmentation de tous les prix. Nous ce qui nous impacte, c’est le routing que l’on va essayer d’améliorer pour limiter certains frais. 500 kilomètres supplémentaires peuvent vite représenter 120€ qui se cumulent à la fin de la tournée. De plus, on voit que la partie de développement d’artistes n’est pas vraiment rentable.
Vous faites partie des premiers clients de Billetweb. Qu’est-ce qui avait poussé ce choix à l’époque ?
Thomas : Le prix. Au début, je faisais un essai, travaillant avec un concurrent sur mon ancienne salle et je sortais d’un festival, qui a souvent besoin de distributeurs pour sa visibilité. Au Brin de Zinc, on est sur un lieu identifié avec une communication limitée aux gens qui suivent la salle et aux réseaux sociaux. Billetweb correspondait à nos besoins. Et puis, les frais par ticket sont assez faibles. Le premier choix est économique, c'était l'argument de Billetweb à ses débuts.
Cette philosophie est toujours là, celle de ne pas devoir payer une grosse commission par ticket. Ça a toujours du sens aujourd’hui, notre commission n’a d’ailleurs jamais changé. Tu évoques également le fait de ne pas utiliser de distributeur et d’en faire une politique. Comment ça s’est goupillé ?
Thomas : Comme je l’expliquais avec notre système de co réalisation, on propose un package. Si on sort de notre zone de travail, c'est compliqué pour nous d'aller checker les informations. Par exemple, si un groupe fait sa billetterie, les clients nous appellent et je n’ai pas la main, je ne peux pas leur répondre. On préfère s’occuper de tout avec un seul interlocuteur, Billetweb, et ça simplifie le travail.
Vous avez mis en place plusieurs systèmes de dons, le premier pendant le COVID, l’autre il y a quelques jours. Tu peux nous en dire plus sur cette idée ?
Thomas : À l’époque, je payais 6 500 € de charges fixes hors salaire. Avec 1 500 € d’aides, c’était très compliqué. Pendant le COVID, donc dès avril 2020, nous avons mis en place un système de cagnotte, avant les aides du gouvernement arrivées dès décembre 2020. Ce système nous a permis de survivre à la période. Des gens nous ont demandé comment ils pouvaient soutenir la salle. Nos deux structures, donc le bar et l’association, ont partagé 18 000 € de dons. Ça nous a permis de faire des concerts l'été en configuration COVID, à perte mais en limitant la casse.
Concernant le don récemment mis en place, c’est une réflexion toujours d’actualité. Si les gens ont envie de soutenir la salle, ils peuvent mettre 1 € en plus. On ne fait pas réellement de communication dessus, c’est au libre arbitre du spectateur qui a l’information sur la billetterie.